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    “Un toit pour mon pays”: volontariat en construction à Buenos Aires

    Témoignage d'un volontariat au sein de l’ONG latino-américaine TECHO à Buenos Aires, en Argentine

    Pour une société juste et sans pauvreté, L’action de l’ONG TECHO PARA MI PAIS

    Qui est TECHO ?

    Née en 1997 au Chili, TECHO est une organisation présente en Amérique Latine et dans les Caraïbes qui cherche à surmonter la situation de pauvreté que vivent des milliers de personnes dans les bidonvilles et communautés isolées. Comment ? Au travers d’actions menées conjointement par les habitants et de jeunes volontaires.

    TECHO a la conviction que l’on peut en finir définitivement avec la pauvreté extrême si la société dans son ensemble réussit à la reconnaître comme étant un problème prioritaire et qu’elle travaille activement pour le résoudre.

    TECHO promeut le développement et la consolidation du travail communautaire dans ces quartiers délaissés ; elle encourage la prise de conscience et l’action sociale & citoyenne. l’ONG est présente dans 19 pays d’Amérique Latine, dont l’Argentine.

    Ses actions concrètes sont la construction d’habitats, le soutien scolaire, l’accompagnement dans la recherche de travail ou création d’entreprise pour les habitants de ces quartiers.

    Mon expérience en tant que volontaire

    TECHO Argentine organise tous les mois des week-ends « construction » dans le pays.  J’ai participé à l’un d’entre eux dans la banlieue Ouest de Buenos Aires en Mai 2016. Récit. Nous sommes presque 1000 volontaires sur tout Buenos Aires. Moyenne d’âge : environ 25 ans.
    Le vendredi soir, après nous avoir réunis dans un grand gymnase, les organisateurs nous rappellent la genèse de l’action de TECHO, ce pourquoi nous sommes là et ce que nous allons faire durant le week-end. Après avoir pas mal applaudi et pris quelques photos de groupes, nous sommes répartis dans différents quartiers, assignés à différentes écoles (qui se transforment en QG/dortoirs pendant ces week-ends).

    Mon groupe monte dans le bus qui nous amène jusqu’à l’école où nous sommes hébergés. Nous embarquons avec nous les outils de construction prêtés par l’organisation (outils qui m’étaient pour la plupart totalement inconnus !).

    Une heure après, nous arrivons dans l’école publique du quartier où nous allons construire les maisons. Le passage des chics quartiers de Buenos Aires que nous venons de quitter à la petite ville de banlieue où nous venons d’arriver fait l’effet d’une douche froide. Une réalité si lointaine et pourtant si proche (à peine 1h de route !) de celle à laquelle la plupart d’entre nous est habituée.

    Nous déchargeons sacs à dos, outils, vivres pour les 2 jours et nous nous installons dans les salles de classes qui feront office de dortoirs. Les habitants du quartier nous accueillent avec une fanfare ! Ça fait chaud au cœur.

    Nous dînons. Chacun apporte le repas qu’il a prévu aux organisateurs, lesquels mettent tout en commun puis re-répartissent les repas sur les tables de manière équitable. L’idée étant que même celui qui n’a pas les moyens d’apporter un repas mais qui est volontaire pour la construction puisse quand même manger.Nous sommes briefés sur le déroulement de la première journée de construction du lendemain (pour un bon tiers d’entre nous, c’est la première fois que nous y participons) puis nous allons nous coucher. L’ambiance est joyeuse et me rappelle un peu la colonie de vacances : rires, discussions décontractées autour d’un maté, échanges avec des volontaires qui en sont à leur dixième construction…

    Après une courte et froide nuit de sommeil (nous sommes en hiver, il n’y a pas de chauffage et la température n’atteint pas les 10 degrés) nous sommes réveillés à 06h30 du matin. Les organisateurs nous servent le Petit-déjeuner puis nous sommes à nouveau répartis en petits groupes de 10 volontaires dont 2 chefs d’équipes. Nous faisons connaissance. Dans ma cuadrilla : nous sommes 2 Français, 2 Salvadoriens et 6 Argentins.

    À 8h00, nous prenons un bus qui nous mène à l’intérieur du barrio. Effroi. Et oui, des milliers de familles vivent dans ces quartiers coupés de tous les services de la ville (transports en commun, eau, gaz, électricité, évacuation des eaux, ramassage des poubelles) et situés sur des zones inondables donc « inconstruisibles ».

    Des quartiers délaissés avec routes en terre, chiens errants en masse, un ruisseau qui passe au milieu où des déchets en tous genres se mélangent, carcasses de voitures, maisons faites en matériaux de récupération… On a beau l’étudier dans nos livres de géographie et se sentir révoltés par la condition dans laquelle ces gens vivent, y être me fait juste l’effet d’un tsunami

    Nous sommes chaleureusement accueillis par « notre » famille, celle pour laquelle nous allons construire la petite maison ce week-end. La famille est composée de la mère (dont la famille, originaire de Mendoza, était venue s’installer à Buenos Aires au début de la crise des années 2000 pour y trouver des meilleures conditions de vie (!) ) ; Le mari, gravement malade et de fait dans l’incapacité de travailler (son travail étant la principale source de revenu du foyer). Enfin les enfants : le fils de 18 ans qui est sur le point de finir le Lycée. Il fait du Taekwondo. Et la petite de 12 ans qui va à l’école. Elle rêve de devenir un jour médecin. L’année dernière elle faisait de la danse orientale mais cette année elle n’a pas pu continuer car son frère a voulu s’inscrire au Taekwondo. Les finances serrées de la famille ne leur permettant pas de pratiquer tous les deux un sport la même année. Je suis bouleversée par la générosité et l’enthousiasme avec lesquels cette famille nous reçoit.

    Ils nous expliquent que pour eux, ce nouvel habitat c’est bien plus qu’un simple toit, c’est la perspective d’un avenir  meilleur, un tremplin. La preuve que l’on s’intéresse à eux, qu’ils ne sont pas totalement oubliés. C’est la possibilité pour les enfants d’avoir une pièce où dormir au sec et où faire leurs devoirs.

    09h30, nous nous mettons à l’ouvrage : nous creusons 15 trous d’1 mètre de profondeur dans lesquels nous planterons les pilotis, bases de la maison. Ce quartier étant inondé à la moindre pluie, les maisons doivent être surélevées. Nous cassons des pierres, allons chercher de la terre sèche là où on en trouve (pour des raisons de sécurité nous ne pouvons pas circuler dans le barrio sans être accompagnés), mesurons les niveaux des pilotis pour que tous soient à la même hauteur, scions les planches et les poutres pour faire la charpente… etc. La famille se met à l’ouvrage aussi, les oncles et cousins viennent donner un coup de main.

    Je prends quelques pauses pour discuter avec la famille, jouer un peu avec les enfants, boire quelques matés avec la maman. C’est chouette, il y a une super ambiance ! Peu importe l’endroit où nous vivons, où nous sommes nés, peu importe notre richesse ou notre pauvreté, nous sommes tous pareils dans le fond. Nous aimons rire, nous retrouver, partager, échanger : C’est notre nature je crois. Et de voir cette famille si joyeuse envers et contre tout, de voir ces enfants qui jouent, rient et rêvent de la même façon que le feraient les enfants de ma famille par exemple, c’est touchant.

    Ils vivent dans une réalité bien lointaine de la nôtre, certes. Mais c’est leur quartier, leur terrain de jeux, leurs voisins, leur environnement. Ils habitent ici, c’est chez eux. Et concrètement, la façon qu’ils ont d’interagir avec leur environnement n’est pas bien différente de la nôtre : ils s’y promènent, vont voir leurs amis, vont au travail, à l’école, font leurs courses à l’épicerie du coin, espèrent attirer l’attention de la fille du pâté de maison d’à côté…comme je l’ai fait, comme nous l’avons tous fait.

    Fin de la première journée de labeur, nous (les volontaires) rentrons à l’école. Chacun partage ses expériences de la journée avec les autres « et vous, vous en êtes où dans la construction ? Vous avez pu poser le sol ? » ; « Et vous, vous aviez de la boue jusqu’au cou aussi ?», « Ta famille à toi elle est comment ? »…

    Avant de tous aller nous coucher, petit moment de débat organisé par l’association autour de la question « Peut-on dire que ce quartier est intégré à la ville ? Pourquoi ? Que peut-on faire pour améliorer la situation dans laquelle se trouvent ces familles ? ».

    Dimanche matin, nous retournons dans nos barrios respectifs pour terminer les maisons. Encore une fois nous sommes accueillis avec des abrazos, des sourires, des « Gracias por volver !», des petits gâteaux faits maison et du maté.

    Un peu avant la pause déjeuner, nous posons enfin le sol puis bientôt les murs en bois. Nous prenons un petit moment pour échanger tous ensemble autour de l’expérience. Chacun exprime  ce qu’il a ressenti, la famille également. Moment très émouvant, les cœurs sont gros et des larmes coulent…

    Encore quelques coups de marteau, et la maison est presque finie. Elle est jolie, toute en bois, 3 petites fenêtres, un petit escalier pour atteindre la porte. Nous prenons congés de nos hôtes, promettons de revenir les voir bientôt, et remontons dans le bus, tous crottés et crevés. Retour à Buenos Aires, retour aux lumières de la ville, aux gratte-ciels, aux chics restaurants et aux routes asphaltées… Notre réalité. Avec un petit supplément de conscience.

    Pour plus d’infos, je vous invite à consulter le site internet de l’ONG : www.techo.org

    Chloé Proust, co-fondatrice de Tierra Latina – 17 juin 2016[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]